Complexité des paiements transfrontaliers : Naviguer dans les exigences de transparence multi-pays
Table of content
- La zone de confort locale
- Oops…Madrid?
- Des systèmes pensés pour un seul pays, pas pour plusieurs
- Les défis réglementaires en France, en Belgique et en Italie
- Quand la conformité devient de la gestion d’événements
- Une dynamique complexe, plus de questions que de réponses
- Pistes de solution : centralisation et standardisation
- Conclusion
Author
Umer Tanweer dirige la fonction Conformité et Analyse à l’échelle mondiale chez Vector Health Compliance. Son expertise couvre la transparence réglementaire dans plusieurs pays, la déclaration transfrontalière des transferts de valeur, ainsi que la mise en conformité et l’amélioration des systèmes et processus. Chez Vector Health, il supervise la conception et le déploiement de cadres analytiques avancés pour le suivi de la conformité, en collaboration avec les équipes réglementaires, de data science et opérationnelles, afin de garantir l’intégrité, l’évolutivité et l’alignement global.
Vector Health Compliance
Your Leading Partner in Global Sunshine Compliance
Recent Blogs
Essayons d’y voir plus clair. Comme pour toute problématique complexe, l’utilisation d’une étude de cas fictive aide à simplifier ce qui peut autrement sembler chaotique.
La zone de confort locale
Aux États-Unis, le reporting de transparence existe depuis plus de dix ans, avec un démarrage en 2013. À ce stade, une entreprise pharmaceutique de taille moyenne dispose généralement de systèmes raisonnablement bien configurés. Les outils de gestion des dépenses et de comptabilité fournisseurs sont intégrés afin de capter les informations relatives aux professionnels de santé (HCP) et de classer la « nature du paiement » pour les équipes en charge des dépenses consolidées.
Les exigences des États fédérés ? Souvent traitées manuellement. Après tout, le volume d’activité à ce niveau est faible et des solutions artisanales suffisent généralement. L’état d’esprit : nous sommes une structure moyenne, nous n’avons pas besoin de configurations trop complexes.
Et puis, changement de décor : les activités transfrontalières s’invitent.
Oops…Madrid?
Imaginez : l’équipe conformité apprend qu’un comité directeur d’essai clinique se tiendra en Europe. Rien d’alarmant, juste une réunion d’une journée à Madrid. Mais la liste des invités comprend des investigateurs venant de France, de Belgique et d’Italie… et un professionnel de santé italien qui, pour sa part, arrive de Corée du Sud.
Que pourrait-il se passer de problématique ?
Beaucoup de choses.
Des systèmes pensés pour un seul pays, pas pour plusieurs
Le système de reporting des dépenses de l’entreprise est paramétré pour les États-Unis, par exemple avec les identifiants NPI (National Provider Identifiers). Mais la France utilise les numéros RPPS, la Belgique ses propres identifiants uniques, et l’Italie… avant l’entrée en vigueur de sa nouvelle loi Sunshine, exige des reportings via les codes industriels tels que l’EFPIA ou Confindustria — autrement dit, pas d’identifiant officiel pour le moment. Aucun de ces éléments n’est configuré dans le système.
La devise est une autre difficulté. Par défaut, tout est en dollars américains. Mais le remboursement du professionnel italien est en wons coréens (KRW), qui doivent être convertis en euros pour l’EFPIA, tout en restant suivis en dollars dans le système interne. Si la conversion manuelle est oubliée, le remboursement apparaît soudainement surévalué de plusieurs fois.
Ce qui devait être une simple réunion d’une journée devient un véritable casse-tête de conformité.
Les défis réglementaires en France, en Belgique et en Italie
France (autorisation du CNOM)
En France, si la valeur du contrat pour un professionnel de santé dépasse 2 000 €, une autorisation préalable du CNOM (Conseil national de l’Ordre des médecins) est obligatoire. Et il ne s’agit pas d’une simple déclaration en ligne : la demande doit être faite au moins deux mois avant l’événement. Trop tard donc : la réunion à Madrid est dans 15 jours. Avec le transport, l’hébergement et les honoraires, le seuil de 2 000 € sera largement dépassé. L’équipe conformité doit alors expliquer pourquoi l’autorisation n’a pas été déposée et si l’événement peut avoir lieu sans risque de non-conformité.
Belgique (visa Mdeon)
La Belgique va encore plus loin. Toute hospitalité offerte à un professionnel de santé belge nécessite une demande de visa Mdeon. Il ne s’agit pas d’un visa de voyage, mais d’un processus d’autorisation préalable pour les événements. Et là encore, impossible de s’y prendre à la dernière minute : la demande doit être déposée au moins 15 jours avant l’événement. Seule exception : lorsqu’il y a moins de 15 participants (professionnels et représentants de l’entreprise) et que plusieurs nationalités sont représentées, un délai réduit de 6 jours ouvrables est possible. Dans ce cas, notre entreprise fictive conserve un peu d’espoir…
Mais la Belgique applique certains des plafonds d’hospitalité les plus stricts d’Europe :
45 € pour un déjeuner
90 € pour un dîner (boissons comprises)
135 € par jour maximum
250 € par nuit pour l’hébergement
Imaginez : vous avez réservé un hôtel à Madrid à 275 € la nuit, faute d’alternative pendant la semaine du congrès. Trop tard, le billet de l’HCP est déjà pris. Un simple dépassement, un dîner un peu trop cher, et l’entreprise est en infraction avec les limites belges.
Italie (transition pré-Sunshine)
Avant l’entrée en vigueur complète de la loi Sunshine italienne, les obligations de déclaration sont régies par les codes industriels. Cela suppose une coordination avec les associations locales, chacune ayant ses propres portails et formats. Et une fois la nouvelle loi appliquée, les entreprises devront déposer des données structurées directement auprès du Ministère de la Santé. Si les systèmes ne sont pas prêts à temps, des lacunes historiques pourraient apparaître lors de contrôles réglementaires transfrontaliers. Un scénario loin d’être enviable.
Quand la conformité devient de la gestion d’événements
Ce qui devait être une conférence simple se transforme en :
- Trois obligations déclaratives différentes (France, Belgique, Italie).
- Des exigences multiples de collecte de données (NPI vs RPPS vs aucun identifiant).
- Des conversions de devises dans quatre monnaies (USD, EUR, KRW, et d’autres selon les trajets).
- Des autorisations préalables (CNOM et Mdeon) nécessitant une anticipation bien avant l’événement.
Et qui s’occupe de tout cela ? L’équipe conformité ? Le service juridique ? Les filiales « fantômes » qui n’existent même pas dans ces pays ? Tout à coup, le responsable conformité du siège américain se retrouve à jouer le rôle de coordinateur d’événement international, de traducteur réglementaire et de chef de projet… pour une seule réunion.
Une dynamique complexe, plus de questions que de réponses
Cet exemple fictif illustre une réalité : dès qu’une entreprise sort de son marché domestique, la complexité transfrontalière se multiplie. Chaque juridiction a ses spécificités, ses identifiants, ses seuils, ses formats de déclaration et ses calendriers d’approbation.
Cela soulève davantage de questions que de réponses :
- Comment les équipes globales peuvent-elles se préparer à l’avance ?
- Qui porte la responsabilité des dépenses transfrontalières : le siège américain ou la filiale européenne « fantôme » ?
- Comment anticiper les obligations d’autorisation préalable lorsque les unités commerciales planifient des événements à court terme ?
- Et surtout : comment garantir l’exactitude et la cohérence dans des dizaines de cadres réglementaires, sans être submergé par des solutions manuelles ?
Pistes de solution : centralisation et standardisation
L’objectif n’est pas d’apporter une réponse unique, mais de réfléchir à ce qui fonctionne en pratique. Les entreprises confrontées à une multitude d’obligations apprennent vite que l’assemblage de systèmes locaux ne suffit pas. Ce qui fonctionne, c’est d’évoluer vers un point unique de coordination mondiale, capable de :
- Gérer la collecte cohérente des données HCP dans chaque pays, avec les identifiants locaux intégrés.
- Appliquer des conversions monétaires standardisées pour éviter les erreurs de valorisation.
- Suivre les seuils spécifiques et les délais d’autorisation propres à chaque pays.
- Produire des sorties adaptées à chaque marché, qu’il s’agisse de fichiers CSV, délimités par des pipes, XML (les Italiens sourient…), modèles EFPIA ou formulaires CNOM/Mdeon.
Ce type d’approche ne repose pas uniquement sur la technologie, mais sur l’accompagnement d’un partenaire qui comprend les nuances du reporting transfrontalier et sait apporter de la cohérence à ce patchwork.
Conclusion
Le reporting de transparence transfrontalier est l’exemple type d’une complexité en mouvement. Chaque réglementation nationale a sa logique, mais ensemble elles forment une mosaïque presque impossible à gérer sans anticipation et infrastructure.
Notre réunion fictive à Madrid montre comment un seul événement peut déclencher des obligations dans plusieurs pays, mettre en évidence des lacunes système et nécessiter des autorisations non anticipées.
La véritable leçon ? Les activités internationales exigent des systèmes globaux. Les zones de confort locales ne suffisent plus. Pour les entreprises présentes dans plusieurs juridictions, la centralisation et la planification en amont ne sont pas des options, mais des nécessités. Et même si la solution parfaite n’existe pas, l’expérience prouve que travailler avec un partenaire global capable d’anticiper, de traduire et d’harmoniser les obligations peut faire la différence entre subir et maîtriser la complexité.